satin de coton
23x18cm
MrKill®
2021
Je questionne votre rapport à l’argent, comme en témoigne le billet qui m’accompagne. Sur une de ses faces, les anciens présidents américain et chinois Ronald Reagan et Deng Xiaoping esquissent une poignée de main, de laquelle émerge la même plante, mi- poumon, mi corona, au milieu d’un inquiétant nuage, où s’enroulent les monuments des plus grandes capitales.
Sur l’autre face, un paysage surréaliste, rappelant les univers inquiétants de Salvador Dali : devant une usine en pleine activité d’où s’échappent d’épaisses fumées, probablement toxiques, une grue complète le sommet d’une pyramide par un œil resplendissant de lumière, référence à l’imaginaire Illuminati, un groupe secret censé contrôler le monde.
Le monde, cul par-dessus tête, sens dessus dessous, voilà ce que je veux vous donner à voir, moi, la première-née de la famille « Divina Poena ? » (« Punition divine ? » en latin), une oeuvre renversante dont la légèreté n’est qu’apparente…
Cher voyeur, il faut parfois déshabiller le monde pour y voir clair. À l’heure des fake news, mettre l’actualité à nu n’a rien de frivole (est-ce une question d’hygiène ?). Ainsi, glissé dans ma résille affriolante, un billet vert symbolise la poignée de main entre les leaders des deux mondes d’antan, les États-Unis et la Chine, Deng Xiaoping et Ronald Reagan. Et si tous vos maux avaient pour origine ce pacte diabolique ? Pour jouir du confort de vos démocraties, vous avez fait de l’Asie autoritaire l’atelier de votre consommation effrénée, en fermant les yeux sur ses conditions sordides. Vous avez regardé la Chine avec méfiance lorsque le coronavirus est né, comme le bon père de famille regarde de travers la prostituée qui vient de lui refiler une MST.
C’est pour dénoncer cette hypocrisie généralisée que mon père a inscrit sur mon dos une pensée en forme de manifeste. Le virus apparu en Asie n’est-il pas le rejeton de vos mères patries avides de profit ? Comment rebrousser chemin et rétablir un équilibre ? Une réflexion profonde sur les racines du mal figurant sur votre humble serviteuse, un simple bout de tissu, c’est ce que propose « Divina Poena ? ».
Une culotte en dentelle rouge et noire soulignée par le début d’un collant résille se détache sur mon fond beige : l’intimité féminine se tient devant vous, sans pudeur, cependant trop abstraite pour susciter la moindre excitation dans le regard du spectateur, bien qu’une marque de rouge à lèvres et un grain de beauté tentent d’accentuer mon érotisme.
Sur la partie gauche de ma culotte, une étrange plante s’entortille : ses feuilles sont des poumons, ses fleurs des molécules de coronavirus. Sur mon derrière, la réflexion se poursuit : « Qui de la prostituée ou de ses clients est à l’origine de cette maladie ? ».
Cette entrejambe, brandie sous le nez de tous, et sa question cachée rappellent la performance d’Orlan, qui, en 1977, proposait aux visiteurs de la FIAC son baiser contre 5 francs, posant jambes écartées derrière une photo grandeur nature de son corps nu. Ici aussi, l’œuvre pointait du doigt le rapport ambigu entre l’art, l’argent, le corps de la femme, les artistes et les acheteurs.